Une bière fièrement locale, une entreprise à échelle humaine
Difficile de la manquer. À quelques pas de l’autoroute 40 à la sortie Sainte-Anne-de-la-Pérade, la Ferme du Tarieu se fait remarquer. Imposante bâtisse rouge érigée au cœur d’un vaste cadre vert formé par les champs qui l’entourent, l’entreprise s’y découvre, encore toute neuve et en pleine croissance.
Depuis son ouverture en décembre 2019, cette microbrasserie (et bientôt distillerie) ouvre ses portes à quiconque a le goût de déguster une bière tout ce qu’il y a de plus locale. Une bière concoctée avec de l’orge cultivée sur les terres adjacentes, avec un peu de houblon de la ferme aussi, un produit brassé sur place et distribué à partir de Sainte-Anne-de-la-Pérade.
L’entreprise est la propriété d’un jeune tandem, Alexandre Perreault et Maxime Carpentier, deux associés complémentaires dans leurs habiletés, mais qui se rejoignent dans leur profil de producteur et dans la satisfaction de voir leur plan d’affaires se transformer en réussite.
Une histoire de famille et d’amitié
À la base, c’est une amitié de longue date qui a réuni les deux propriétaires dans cette Ferme du Tarieu, construite au cœur d’un lieu symbolique.
La bâtisse a été érigée précisément à l’endroit où se trouvait la ferme de la famille d’Alexandre. C’était avant que la construction de l’autoroute 40, dans les années 1980, les force à s’exproprier et à déménager de l’autre côté de la route, là où se trouve désormais une nouvelle ferme familiale. Aujourd’hui, c’est donc des deux côtés de la route que se perpétue une tradition de quatre générations d’agriculteurs chez les Perreault.
Il s’en est toutefois fallu de peu pour qu’Alexandre brise cette tradition. À sa sortie de l’école, le jeune homme était plus intéressé à parcourir les routes de l’Europe équipé de son sac à dos, sinon à étudier les techniques ambulancières ou les techniques d’intervention en loisirs. Il a visité toutes ces avenues avant que les gènes le ramènent tranquillement chez lui.
Là où ses ancêtres bûcherons avaient jadis acheté une terre pour la famille, là où le père et le grand-père ont oeuvré dans la production laitière et céréalière, Alexandre et son comparse Maxime ont semé les ingrédients de leur propre entreprise.
Partir en douce
À l’été 2014, l’aventure est partie en douce avec une production de houblon qui aura permis la création d’une première bière artisanale, brassée dans le garage, pour le simple plaisir. La suite s’est avérée plus faste.
On connaissait la popularité des microbrasseries depuis quelques décennies, mais on n’avait pas imaginé l’effervescence qui allait suivre. «Ça fait environ cinq ans que je suis dans l’industrie de la microbrasserie et déjà, ça a changé beaucoup», témoigne Alexandre.
Avec les années, les choses se raffinent. «Aujourd’hui, les brasseurs et les agriculteurs du Québec se parlent beaucoup pour développer des variétés plus aromatiques, des variétés qui vont ressembler davantage à ce qui se fait aux Etats-Unis. Les techniques évoluent beaucoup.»
Et la demande suit. «Présentement, les gens sont en demande de nouveautés», observe-t-il. «Selon moi, il y a suffisamment de place pour que chaque petit village ait sa propre microbrasserie. Ça prend juste un bon plan d’affaire.»
Et ce plan, il ne cesse de s’élaborer. Le deux acolytes auront 28 ans à l’aube de 2022 et des projets, ils n’en manquent pas.
Bières, bouffe et autres plaisirs
Du côté de Sainte-Anne-de-la-Pérade, Alexandre Perreault et Maxime Carpentier oeuvrent pour que l’amateur de bière avide de découverte soit servi, en offrant toujours une douzaine de variétés en rotation. «On a su imposer nos classiques et maintenant, quand vient le temps de faire une rotation, on ne sait plus
quelle bière enlever pour en brasser une nouvelle…»
Autour de ces produits, les clients trouvent aussi matière à se régaler du côté de l’alimentation, avec des plats concoctés en sous-traitance par les Mlles Cossette, entreprise de Saint-Prosper qui s’est liée à la Ferme du Tarieu depuis le début.
Mais encore, on a allongé également le menu des activités à la ferme en ajoutant des soirées d’humour et des soirées musicales, selon les saisons.
Bouffe, musique et humour, autant de petits plaisirs qui rassemblent les gens des environs en semaine, et qui attirent les gens de Trois-Rivières, de la MRC de Portneuf ou de Québec les fins de semaine et ce, douze mois par année.
« C’est un bel avantage d’être à Sainte-Anne-de-la-Pérade», fait valoir Alexandre. «L’hiver, on a la pêche aux petits poissons des Chenaux et on a aussi le sentier de motoneiges qui passe dans notre cour. Ça nous donne un achalandage pratiquement aussi gros que l’été.»
Croître en pleine pandémie
L’ouverture de la Ferme du Tarieu a été célébrée en décembre 2019. Trois mois plus tard, la pandémie frappait. Or, ce qui aurait pu s’avérer une catastrophe s’est davantage transformé en une occasion de développer les choses à une vitesse raisonnable.
«On avait connu un départ de feu et on était tout le temps plein», souligne Alexandre. «La pandémie nous a donné le temps de faire le point, d’avancer notre projet de distillerie, de développer certains trucs, dont la production en cannettes, et de voir vers quoi on s’en allait.»
Aujourd’hui, on sait ce que l’on veut. On souhaite d’abord garder l’entreprise à taille humaine et conserver un profil de proximité. Pas question de développer les marchés à la grandeur du Québec. Pour le moment, leur marché se concentre sur la MRC des Chenaux. «On est ultra local», apprécie Alexandre Perreault. «Nous sommes deux pour faire toute la production et on adore ça… On veut rester plus petit et y aller étape par étape avant de grossir.»
Les deux entrepreneurs aiment ce sentiment d’être maîtres chez eux. «Nous ne sommes pas nombreux au Québec à produire nos propres céréales et à les utiliser autant.»
Chaque année à la Ferme du Tarieu, on récolte entre 30 et 50 tonnes d’orge brassicole et près de 80 plants de houblon sont semés. En somme, 80% des ingrédients de base de leurs bières proviennent de la ferme.
«C’est ultra gratifiant», fait valoir Alexandre. «Nous avons la chance de pouvoir choisir nos propres malts, et même de choisir quel type de variété on va semer dans le champ. On a la satisfaction d’avoir planté nous-mêmes la graine dans le sol et de pouvoir boire la gorgée de bière au final. C’est vraiment plaisant.»
«C’est sûr qu’être une microbrasserie brassicole, c’est un casse-tête de plus, mais je ne changerais ça pour rien au monde», confie Alexandre Perreault. «C’est une manière pour moi de reprendre la ferme familiale, avec un produit qui me ressemble plus.»
Au matin de l’entrevue, il a d’ailleurs dû quitter son tracteur pour discuter boulot, tout en précisant que cette vie de producteur, de brasseur et d’entrepreneur demande beaucoup d’heures, mais qu’en bout de ligne, c’est tout sauf du boulot.
«Je sais que c’est un peu cliché de dire ça, mais je n’ai vraiment pas l’impression de rentrer travailler le matin… C’est un mode de vie et tous les collègues ensemble, on est devenu une famille. Je suis vraiment heureux.»
* Crédit photo : La Ferme du Tarieu
Article écrit par : La Voisine