Achat Champlain : la nouvelle vie du magasin général du village
Résidente de Champlain depuis trois ans, Jessica Therrien a été vraiment désolée d’apprendre, au cours de l’année 2020, que le dépanneur de sa petite municipalité allait fermer ses portes. Même déception chez les autres citoyens de son patelin, d’ailleurs. Sauf que de son côté, ce sentiment s’est transformé en une furieuse envie de sauver le commerce de la place et même, pourquoi pas, de le façonner à son goût.
Avec son conjoint Daniel Duval, non seulement elle a acquis le dépanneur, mais celui-ci a été transformé en petit magasin général où on retrouve tous les essentiels et où on peut se procurer des mets préparés sur place, de même que des repas individuels ou familiaux concoctés par un cuisinier-traiteur de la région.
Valeur ajoutée, le commerce comporte aussi désormais une troisième vocation qui était chère à la propriétaire en devenant un lieu où la population peut se procurer une panoplie des produits locaux des agriculteurs de la région.
Jusqu’à tout récemment, Jessica Therrien était aussi copropriétaire d’une ferme laitière. «J’ai travaillé sur une ferme. Je sais ce que ça représente comme travail d’être un producteur local et je tenais à les encourager.»
Le commerce nécessaire
Bien avant de déménager à Champlain, lorsqu’elle habitait à Grondines, Jessica Therrien avait vécu dans un petit patelin dépourvu de dépanneur. Il n’était pas question pour elle de revivre cette expérience.
«On ne pouvait pas perdre notre dépanneur», dit-elle. «Déjà, je trouvais qu’il manquait de stock sur le plan de l’épicerie… Je me suis dit qu’on pourrait le transformer et y mettre tout ce que j’aurais aimé y retrouver!» D’où son goût de servir les gens qui, comme elle, aiment acheter local, une pratique qui s’avère complexe la plupart du temps.
« J’adore acheter des produits locaux et il y en a beaucoup, sauf qu’en région, tu dois faire beaucoup de route pour les trouver. Ça fait beaucoup de millage pour avoir une épicerie complète… », rigole-t-elle. «Je voulais qu’on puisse retrouver tous ces produits à la même place.»
Son idée d’acheter le dépanneur local s’est concrétisée somme toute rapidement. En novembre 2020, le couple achetait les lieux et le 12 décembre, il célébrait l’ouverture officielle d’Achat Champlain.
Une année plus tard, les étagères du commerce reflètent une partie des ambitions de Jessica Therrien, mais pas toutes puisque la pandémie a ralenti un peu ses ardeurs. N’empêche, plusieurs produits locaux y ont trouvé leur place et d’autres sont à venir.
Achat Champlain est notamment dépositaire de miel, vins, portos, confitures et confits de Sainte-Anne-de-la-Pérade. On y retrouve une variété de farines de la région, dont la farine de sarrasin de Champlain, de même qu’une variété de gruaux québécois. Parmi les autres aliments locaux, les clients peuvent aussi s’y procurer des saucissons séchés de Sainte-Thècle, des fondues au fromage concoctées avec des bières et des fromages du Québec, des poudres à trempette de Champlain et des bières des microbrasseries des quatre coins de la Mauricie et du Centre-du-Québec, de La Tuque jusqu’à Bécancour en passant par Champlain, Sainte-Anne-de-la-Pérade et Trois-Rivières.
C’est sans compter les pains frais, pâtés, sandwiches, salades et sauce à spaghetti qui sont concoctés dans la cuisine aménagée dans les locaux d’Achat Champlain, histoire de compléter l’offre du traiteur trifluvien qui fournit mets individuels et plats familiaux.
Belle réaction de la population
Jessica Therrien aurait pu craindre le potentiel de survie d’un service d’alimentation dans un petit village, mais elle a osé et la population de Champlain le lui rend bien, de sorte que le commerce se porte très bien, se réjouit-elle.
«Les gens sont contents. Ils ont eu peur de perdre leur dépanneur… Ils me disent qu’ils font leur épicerie en ville une fois par mois et que, pour le reste, ils peuvent trouver ici», observe-t-elle. «Trois-Rivières, ce n’est pas si loin, mais 20 minutes aller et 20 minutes revenir, c’est long pour aller chercher la canne de maïs qui manque pour ton pâté chinois!»
Mais encore, il n’est pas rare que les clients arrivent avec des suggestions, fait-elle remarquer. «Ce sont les petites familles du village qui font virer notre économie. C’est ça, la complicité du monde rural. En ville, on ne connaît pas nos voisins, il y en a trop. Mais ici, les gens se parlent, on se connaît tous et tout est interconnecté.»
Projets et pénurie de main-d’œuvre
Jessica Therrien a hâte de développer la suite. «Je ne suis pas encore rendue là où je voulais être», confie-t-elle. «J’ai plein d’idées de développement…»
Outre la COVID, elle a aussi été freinée par le manque de main-d’œuvre, d’autant plus que ses besoins, eux, ont augmenté.
Des cinq employés qu’elle avait au départ, elle est rendue à huit, et elle pourrait en accueillir bien davantage et elle entend bien régler ce problème avec du personnel étranger.
En octobre 2022, elle prévoit déjà accueillir une cuisinière en provenance du Guatemala, et d’autres employés étrangers pourraient suivre. «J’aurais de la place pour 12 employés!», plaide Mme Therrien.
Car si la pandémie a eu ses revers, elle a aussi eu un avantage pour Achat Champlain. «L’été dernier, comme les restaurants n’étaient pas ouverts, les gens pouvaient prendre quelque chose ici et aller le manger sur le bord du fleuve.» En été, ils peuvent le faire notamment à la halte routière, qui avoisine le village, ou encore à quelques pas du commerce, sur le quai de Champlain qui offre une vue magnifique.
L’été prochain, ses clients pourront se désaltérer agréablement puisqu’elle attend sa nouvelle machine à «slush puppie». Et tant qu’à y être, elle a aussi commandé un deuxième congélateur qui lui permettra d’accueillir la viande conservée sous-vide des producteurs du coin.
D’autres projets suivront, mais elle ne veut pas en parler avant qu’ils soient assurés. «La dernière année m’a appris que les choses peuvent changer rapidement…», observe-t-elle, sourire en coin.
Cela dit, la mère de deux enfants a déjà amplement matière à occuper ses journées, qui s’étirent souvent de 6 h du matin à 18 h. C’est le nouveau rythme de vie qu’elle a épousé pour traverser 2021, une année qui a connu ses joies avec le développement d’Achat Champlain, mais qui a aussi asséné un coup dur à sa petite famille avec l’incendie de leur ferme laitière. Une perte totale. «Une chance que le commerce va bien...», se console Jessica Therrien qui, pour 2022, se souhaite une année de développement, à l’abri des tragédies.
* Crédit photo : Achat Champlain
Article écrit par : La Voisine